LA DÉVOTION AU SAINT-ENFANT JÉSUS 

17/02/2024

Au XVIIe siècle, les guerres de religion faisaient rage en Europe et en 1617, la Bohême calviniste avec le roi Frédéric, menaçait l'Autriche catholique dans sa foi par sa domination. L'empereur Ferdinand II de Habsbourg, devant ce danger, sollicita alors du Pape Paul V, le secours de prières publiques. Les pères carmes répondirent à cet appel, obtenant une brillante victoire à l'armée catholique d'Autriche.

En gage de reconnaissance, l'empereur Ferdinand II établit plusieurs monastères de carmes en Bohême, dont l'un à Prague, en 1624, avec une chapelle dédiée à Notre-Dame des Victoires. Le monarque pourvoyait également avec générosité aux besoins de cette communauté, mais après son départ, les religieux connurent un cruel dénuement que leur inaltérable confiance en la divine providence allait récompenser.

Il y avait à Prague, à cette époque, la pieuse princesse Polyxène de Lobkowitz qui, émue de leur détresse, leur offrit en 1628 une statuette de l'Enfant Jésus :

- « Mon père, dit-elle au supérieur des carmes, je vous confie ce que j'ai de plus précieux ici-bas. Vénérez bien l'Enfant Jésus et rien désormais ne vous manquera. »

Il s'agissait d'une ravissante statuette de l'Enfant Jésus, haute de 48 cm, vêtue d'un splendide manteau brodé, un riche diadème d'or enrichi de pierreries sur la tête, la main droite levée en signe de bénédiction, l'index et le majeur réunis par une seule bague symbolisant ainsi l'alliance de l'Ancien et du Nouveau Testament.

La main gauche portait le globe terrestre surmonté de la croix.

La princesse Polyxène avait reçu, à l'occasion de son mariage, cette statuette offert par sa mère, Marie Manriquez de Lara qui, en réalité s'appelait Marie Manriquez de Pignatelli dont la famille italienne vénérait depuis longtemps la petite statue que l'on tenait pour miraculeuse ; c'était probablement la reproduction par un artiste espagnol, d'une statuette rapportée de Terre Sainte par une dame anglaise, Marguerite Kemp, qui en 1414, avait rapporté une figurine de l'Enfant Jésus de Behtléem.

Cette représentation était restée en Italie et installée à l'Aracoeli (basilique de Rome). Sa ressemblance avec le Petit Roi de Gloire du carmel de Beaune (France) est frappante.

Quoiqu'il en soit, le don de la princesse fut accueilli avec reconnaissance par les religieux, placé dans l'oratoire du noviciat et honoré avec ferveur. Une grande abondance de grâces spirituelles et temporelles y répondit dès lors. Le révérend père Cyrille de la Mère de Dieu était l'un des plus fervents apôtres de cette dévotion à l'Enfant Jésus de Prague, qui se répandit comme un ouragan de gloire, débordant les frontières.

Or, en 1630 la Bohême redevenait le théâtre de guerres, obligeant les carmes à se transporter à Munich. Dans la précipitation du départ, les religieux oublièrent d'emporter la précieuse statuette dont la dévotion se perdit pour le plus grand malheur des religieux, atteints de toutes sortes d'épreuves successives.

Pendant ce temps, l'ennemi sacrilège détruisait églises et monastères ; l'Enfant Jésus, arraché de son socle, fut jeté à terre, derrière l'autel, dans les décombres. L'année suivante, l'empereur ayant repris Prague, les Carmes purent réintégrer leur couvent, mais, chose étrange, nul ne se soucia de la statuette et la communauté retomba dans une extrême pauvreté.

En 1634, une nouvelle occupation de Prague, par les suédois cette fois, provoqua encore le départ des religieux. Leur retour définitif se situa en 1635 mais accompagné de la misère chez ces carmes oublieux, la décadence du couvent s'accentuant de jour en jour. Vers la Pentecôte 1637, le père Cyrille rentrait à Prague, à nouveau menacée par les hérétiques.

Le danger remit en mémoire la protection obtenue par l'Enfant Jésus et le père Cyrille demanda au supérieur d'effectuer des recherches pour retrouver leur précieux trésor. Ce fut lui-même qui le découvrit dans les plâtras, derrière l'autel. Ce dévot religieux s'empressa de l'exposer dans le chœur de la chapelle, à la vénération de tous. Peu après, tout danger disparaissait.

Un jour qu'il était agenouillé devant le divin enfant, le père Cyrille qui priait de toute son âme, entendit ceci :

« Aie pitié de moi et j'aurai pitié de toi. Rends-moi mes mains et je te rendrai la paix. Plus tu m'honoreras, plus je te favoriserai ».

Aussitôt, le père Cyrille supplia le supérieur de faire réparer la statuette dont les mains avaient été brisées, mais prétextant l'extrême pauvreté du couvent, la demande fut rejetée. Le père Cyrille eût recours à la prière et 3 jours plus tard, un don de 100 florins était fait pour le culte de l'Enfant Jésus ; mais cette fois encore, le prieur choisit d'acheter une nouvelle statue.

Or, le jour même de son exposition, un lourd chandelier fixé au mur s'en détacha et vint la briser alors que ce même prieur tombait malade et devait abandonner sa charge.

Le bon père Cyrille renouvela ses intentions auprès du nouveau supérieur, mais le manque d'argent faisait toujours remettre la réparation à plus tard ; les offrandes qui parvenait recevaient une autre affectation alors que la maladie et la mort frappaient rudement la congrégation, n'épargnant pas le supérieur qui finit par comprendre son erreur. La statuette attendait dans l'ombre la réparation réclamée et le père Cyrille en exprimait maintes fois son regret au Petit Roi qui lui dit un jour :

« Place-moi à l'entrée de la sacristie ; quelqu'un viendra et me prendra en pitié. »

En effet, peu après, un homme du nom de Daniel Wolf, se présenta et dit au père :

« Confiez-moi la statue, je la ferai réparer à mes frais ».

Ce qu'il fit à la plus grande joie de tous. Ce Daniel Wolf était sous le coup d'un grave procès or, dès qu'il se fut chargé de la réparation, tout s'arrangea pour lui de façon inespérée. Dès ce moment et grâce aux couvents des pères carmes et aux franciscains, la dévotion à l'Enfant-Jésus de Prague se répandit rapidement en Europe et au-delà. On ne compte pas les miracles et faveurs obtenus par son intervention.

Les principaux lieux de pèlerinage sont à Prague, Tarragone (Espagne), Arezzano (Italie), Beaune (France), Bruxelles et Tongres qui, en Belgique, était devenu objet et centre des divines prédilections de l'Enfant Jésus de Prague.

Le premier grand miracle de guérison que l'on peut lui attribuer eut lieu en 1639, au bénéfice de la Comtesse Liebsteinky, descendante des Lobkowitz qui avaient offert la divine statuette aux carmes. Abandonnée par les médecins, son pieux époux pria le père Cyrille de lui porter la statue miraculeuse qui fut placée au chevet de la mourante.

Or, à peine le religieux l'avait-il déposée qu'on vint le prévenir de la parfaite guérison de la comtesse. De très nombreux miracles aussi éclatants ont été consignés dans tous les sanctuaires ; il en est certainement d'aussi nombreux sur le plan spirituel que l'on ignore.

A notre époque, derrière le redoutable rideau de fer communiste, un prêtre hongrois résidant dans une petite localité au milieu des sans-Dieu dont le but essentiel était d'éradiquer la foi catholique, spécialement chez les enfants, nous en rapporte un, tout à fait merveilleux : dans une classe de fillettes, l'une d'elles, Angèle, 10 ans, particulièrement intelligente et appliquée à son travail, était élevée dans la religion catholique, comme ses compagnes, malgré les interdits.

L'institutrice, Mlle Gertrude, avait comme souci premier de détruire leur foi alors qu'Angèle, dans sa profonde piété avait obtenu du prêtre l'autorisation de communier chaque matin, sachant cependant la haine et toutes les vexations

que déclencherait cette démarche. En effet, malgré sa conduite irréprochable, l'institutrice s'acharnait après la fillette et contre cette foi qu'elle sentait inébranlable.

Elle décida de détruire chez ces enfants et surtout chez Angèle toute trace de religion selon un processus diabolique tendant à démontrer qu'un Dieu invisible n'existait pas et au bout de ses raisonnements, leur dit :

« Appelez donc l'Enfant Jésus et vous verrez bien s'il vient. »

Angèle, habituellement douce et timide, fit soudain face avec calme et assurance :

« Eh bien ! Nous l'appellerons toutes ensembles. »

Et galvanisées par Angèle, debout, toute cette classe d'enfants, les mains jointes, s'écria :

« Viens, Enfant Jésus » !

L'institutrice ne s'attendait pas à cette réaction. Après un lourd silence, on entendit la voix pure d'Angèle dire :

« Encore » !

De nouveau, elles appellent l'Enfant Jésus ! Et alors, la porte de la classe s'ouvrit sans bruit. Toute la lumière du jour s'en fut vers la porte, grandissant jusqu'à devenir comme un globe de feu. Elles n'eurent pas le temps de crier leur peur, que le globe s'entr'ouvrait pour livrer à la vue un enfant ravissant comme elles n'en avaient jamais vu, qui souriait sans dire une parole. De sa présence émanait une immense douceur ; elles n'avaient plus peur et ne ressentaient que de la joie.

Combien dura cette apparition ? Le temps n'avait plus sa durée habituelle et personne ne pourra le dire. L'enfant était vêtu de blanc et ressemblait à un petit soleil car la lumière émanait de lui et l'éclat du jour semblait noir à côté. Il ne dit rien, ne faisant que sourire, puis il disparut dans le globe de lumière qui se fondit peu à peu. La porte se referma doucement, toute seule. Le cœur inondé de joie, les fillettes ne pouvaient proférer un mot. Soudain, un cri strident déchira le silence. Hagarde, Mlle Gertrude hurlait :

« Il est venu ! Il est venu » !

Puis elle s'enfuit en claquant la porte. Sagement, les petites filles s'agenouillèrent, récitèrent un Pater, un Ave et un Gloria, puis sortirent de la classe car l'heure de la récréation venait de sonner.

Mlle Gertrude a dû être placée dans un asile psychiatrique car elle ne cessait de crier :

« Il est venu ! Il est venu ! »

Les profanateurs de nos églises finissent presque toujours fous, dit le prêtre. Puis il ajouta tristement :

« Des récits de ce genre, il y en a beaucoup dans ces peuples opprimés. Mais en Occident, qui va croire ce qui n'est pas « matériellement » crédible ? Les occidentaux rationalistes ressemblent aux communistes sur ce point : le miracle les choque… ».

Source : G.T. – Toulouse (Porte latine)

Son père, Louis Martin, né à Bordeaux en 1823, avait demandé dans sa vingtième année, en 1843, à entrer chez les Chanoines réguliers de Saint-Augustin, au Mont Saint-Bernard. Le prieur ne put le recevoir, car le postulant n'avait pas fait d'études latines. Revenu à Alençon, le jeune homme continua son apprentissage d'horloger. La mère, Zélie Guérin, « fabricante de point d'Alençon », avait essayé, de son côté, de devenir Fille de la Charité, mais la supérieure de l'Hôtel-Dieu d'Alençon lui déclara que sa vocation était de rester dans le monde. Le mariage fut célébré, le 13 juillet 1858, dans l'église Notre-Dame, à Alençon.

Les jeunes époux pratiquaient tous leurs devoirs de chrétiens sans ostentation, mais avec force et piété. Le repos dominical était strictement observé par la fermeture de leur magasin.

Mme Martin n'avait pas été appelée, comme sa sœur aînée qui était entrée chez les Visitandines du Mans, à devenir dans l'état religieux l'épouse de Jésus. Puisque sa vocation était différente, elle avait un jour demandé à Dieu beaucoup d'enfants et souhaitait que tous lui fussent consacrés. Elle fut exaucée. Les enfants arrivèrent nombreux, neuf en peu d'années ; quatre d'entre eux ne tardèrent pas longtemps à rejoindre les chœurs angéliques, les cinq survivants se donnèrent à Dieu dans la vie religieuse. Dès sa naissance, chaque enfant était consacré à Marie et recevait au baptême le nom de la Reine du ciel. Après la venue de leur quatrième fille, Marie-Hélène, qui mourut en bas âge, les parents demandèrent à Dieu un petit missionnaire. Deux petits garçons vinrent réjouir le foyer, mais, comme la fillette qui les suivit, ils ne firent guère qu'apparaître. C'était le neuvième et dernier enfant de la famille Martin qui allait être « le missionnaire » tant désiré.

La première enfance de sainte Thérèse. – Mort de sa mère.

Ce neuvième enfant était une fille, qui naquit le 2 janvier 1873 à Alençon et fut baptisée deux jours après, sous les noms de Marie-Françoise-Thérèse, dans l'église Notre-Dame, avec sa sœur aînée, Marie-Louise ou Marie, pour marraine. Thérèse était d'une santé très frêle : pour la sauver, sa mère, épuisée, dut la confier pendant plus d'un an à une nourrice campagnarde, robuste et expérimentée, à Semallé. De retour au foyer familial, l'enfant, que le père nommait sa « petite reine », que la mère qualifiait de « petit lutin » ou de petit « furet », rayonnait la joie par son sourire très doux, son cœur affectueux, sa piété précoce. A vingt-deux mois, elle sait prier « le bon Jésus ».

Son caractère est vif, expansif, franc, joyeux. Quand elle a battu ou poussé sa sœur Marie-Céline, son aînée de trois ans et sa compagne inséparable, ou déchiré un coin de la tapisserie, fût-ce par mégarde, elle a le sentiment qu'elle doit s'accuser afin d'être pardonnée. Elle n'est pas sans défauts ; on la mettrait une journée dans la cave sans obtenir un « oui » de sa part. Parfois, elle se conduit en enfant gâtée, mais elle a bien vite regretté sa bouderie ou des paroles irrespectueuses, et elle court s'en excuser.

L'enfant avait tout juste quatre ans et demi lorsque, le 23 août 1877, Mme Martin mourut, laissant cinq orphelines. Tout ce que Thérèse vit depuis le jour de la cérémonie du Viatique, pendant ces jours de douleurs et de larmes, l'impressionna vivement : elle regardait et écoutait en silence, sans trop comprendre l'immense malheur qui venait atteindre la famille. Cette première et douloureuse apparition de la mort changea complètement l'heureux caractère de Thérèse. Elle si vive, si expansive, devint timide et douce, sensible à l'excès. Les années qui vont de 1877 à Noël 1886 furent pour l'enfant une époque d'épreuves interrompues par les effusions de la famille et les joies de la première Communion.

Le sourire de l'Immaculée. – La première Communion.

L'entrée dans le cloître de la deuxième fille de M. Martin fut pour sa « petite reine » l'occasion d'une maladie grave, mystérieuse, à laquelle le démon, par une permission de Dieu, n'était peut-être pas étranger. Eprouvée d'abord par des maux de tête continuels et une sensibilité extrême, Thérèse put cependant continuer ses études. Mais l'année suivante, vers Pâques, des crises violentes agitèrent l'enfant et firent craindre pour sa vie. Elle disait des choses qu'elle ne pensait pas, en faisait d'autres comme forcée malgré elle, restait évanouie pendant des heures, paraissait être toujours en délire. Des visions terrifiantes lui arrachaient des cris de détresse et parfois elle ne reconnaissait même plus sa sœur Marie qui la soignait ou ses autres parents. Le père, vaillant dans sa foi, fit célébrer une neuvaine de messes à Notre-Dame des Victoires à Paris. Au cours de la neuvaine, au moment d'une crise particulièrement violente et pénible, les trois sœurs de la malade se jetèrent au pied d'une statue de la Vierge – reproduction de la « Vierge d'argent » de Saint-Sulpice, par Bouchardon – qui était dans la chambre. Pendant leur prière, Thérèse aperçut la statue ou mieux la Sainte Vierge qui lui souriait, s'avançait vers elle radieuse, la regardant avec un indicible amour. Bientôt des larmes jaillirent de ses paupières, elle reconnut ses sœurs. La Reine du ciel venait de guérir son enfant et de faire disparaître toutes ses peines.

La Sainte Vierge apparaît à sainte Thérèse malade et lui apporte la guérison.

Après un contact superficiel et rapide avec les joies et les distractions jugées utiles à son parfait rétablissement, Thérèse, plus décidée que jamais à continuer sa vie d'intimité avec Jésus, reprit ses études et mit tous ses soins, sous la direction attentive et délicate de sa sœur Marie, à préparer son âme à la communion. Elle s'ingénie à fleurir son cœur par des actes d'amour et de sacrifices ; souvent abritée derrière les rideaux de son lit, elle pense à Dieu, à la rapidité de la vie, à l'éternité. On devine avec quelle ferveur et quel soin elle fit chez les Bénédictines la retraite préparatoire à la première Communion. Le 8 mai 1884, elle participait enfin au banquet sacré. Elle a raconté ce que fut ce grand jour, le premier baiser de Jésus donné à son âme : cette rencontre fut une fusion, où Thérèse disparut comme la goutte d'eau dans l'océan ; Jésus restait seul, il était le Maître, le Roi : il ne réclama aucun sacrifice ; Thérèse se redonna à lui pour toujours. Au soir de la première Communion, le père conduisit sa fille au Carmel : Pauline était devenue l'épouse du Christ le matin même. Thérèse la vit avec son voile blanc comme le sien et sa couronne de roses ; elle espérait bientôt la rejoindre et attendre à ses côtés le Ciel.

Au mois de juin suivant, elle reçut la confirmation et la force de souffrir, grâce nécessaire, car pour elle l'épreuve devait se continuer par suite de scrupules qui pendant plusieurs années la tourmentèrent ; par suite aussi de la rentrée au Carmel, en octobre 1886, de Marie, la sœur aînée (Marie du Sacré-Cœur). Après ce départ, Dieu la fortifia en lui montrant qu'il faut s'attacher à lui seul. Après sa confirmation, elle avait sollicité son admission parmi les Enfants de Marie. La fête de Noël 1886 amène un grand changement chez Thérèse : sa force d'âme, perdue depuis la mort de sa mère, lui est rendue ; elle triomphe d'une manière décisive de sa sensibilité trop vive ; la charité entre dans son cœur avec le besoin de s'oublier toujours ; elle commence une course de géant dans la voie de la perfection.

Entrée de sainte Thérèse au Carmel de Lisieux.

Dans les premiers mois de sa quatorzième année, Thérèse annonça à sa sœur Céline sa volonté d'entrer au Carmel pour la fête de Noël 1887, jour du premier anniversaire de sa « conversion ». Avec une abnégation admirable, Céline, qui désirait elle aussi se consacrer à Dieu, accepta de rester la dernière auprès du père bien-aimé. Le jour de la Pentecôte, la « petite reine » s'ouvrit de sa vocation à son père. Celui-ci pleura de joie et de douleur ; mais convaincu par les explications de sa fille, il donna son consentement. L'oncle maternel et tuteur, M. Guérin, d'abord opposé, consentit à son tour, sous l'influence de la grâce, à laisser au Seigneur la petite fleur privilégiée. La prieure du Carmel, Mère Marie de Gonzague, acceptait la postulante, mais le supérieur ecclésiastique de la communauté n'autorisait pas l'entrée avant l'âge de vingt et un ans. Le 31 octobre 1887, M. Martin, accompagné de Thérèse, fut reçu par Mgr Hugonin, évêque de Bayeux et Lisieux. Appuyée par son père, Thérèse demanda d'entrer au Carmel à quinze ans. Le prélat ne voulut pas se prononcer tout de suite et promit une réponse pour plus tard. Accompagné de ses deux dernières filles, Céline et Thérèse, M. Martin – à ce moment Léonie tentait un essai de vie religieuse dans l'Ordre des Clarisses, trop rigoureux pour son état de santé – partit au début de novembre, avec le pèlerinage diocésain de Bayeux, pour la Suisse, l'Italie et Rome. A l'audience pontificale du 20 novembre, Thérèse, agenouillée devant le Pape Léon XIII, lui dit : « Très Saint Père, en l'honneur de votre jubilé, permettez-moi d'entrer au Carmel à quinze ans. – Mon enfant, faites ce que les supérieurs décideront… Vous entrerez si le bon Dieu le veut. » Devant ces réponses évasives, Thérèse était attristée, mais elle restait dans la paix, soumise et confiante. Au retour du pèlerinage, elle écrivit à Mgr Hugonin. L'évêque, à la date du 28 décembre 1887, autorisa l'entrée immédiate par une lettre écrite à la prieure. Mais celle-ci jugea à propos de la différer jusqu'après le Carême. Thérèse en fut assez contrariée. Enfin, le 9 avril 1888, jour où se célébrait la fête transférée de l'Annonciation, le père conduisit sa « petite reine », la nouvelle servante de Dieu, à la chapelle du Carmel. Toute la famille y communia, y compris Léonie, revenue momentanément ; puis la postulante alla frapper à la porte de clôture, quittant définitivement le monde pour vivre dans l'intimité de Jésus.

Dernière maladie et mort de sainte Thérèse de l'Enfant-Jésus.

Dans la nuit du Jeudi au Vendredi-Saint (2–3 avril 1896), Thérèse eut deux crachements de sang. Par là Jésus lui signifiait l'entrée prochaine dans l'éternelle vie. De fait, les forces physiques déclinent peu à peu, surtout que l'héroïque religieuse veut suivre jusqu'à épuisement les exercices de la communauté, où l'on ne soupçonne pas encore la gravite de son état. Aux souffrances du corps s'ajoutent celles que causent les assauts du démon et particulièrement les tentations de crainte. La malade s'abandonne ; elle est heureuse de souffrir, de s'immoler pour les âmes, particulièrement pour les prêtres, et surtout pour les missionnaires, elle qui a demandé un jour à partir pour le lointain Carmel d'Hanoï.

Au printemps de 1897, les symptômes du mal sont de plus en plus sensibles ; le 8 juillet, Thérèse quitte sa cellule pour l'infirmerie. Dans les derniers mois de son sacrifice, elle parle de sa « petite voie », de la « voie d'enfance ». Elle annonce qu'après la mort qui va la réunir à Dieu et lui faire commencer sa vraie vie, elle fera tomber « une pluie de roses », et que son Ciel se passera à « faire du bien sur la terre » (17 juillet).

Le 30 juillet 1897, elle reçut l'extrême-onction. A partir du 17 août, des vomissements répétés la privent du bonheur de communier. Thérèse avait souhaité la mort d'amour de Jésus sur la croix. Elle fut exaucée ; le 30 septembre, elle souffrit l'agonie toute pure, sans aucun mélange de consolation : c'était l'effet de son désir extrême de sauver les âmes. Après l'Angelus du soir, ce même jour, elle jeta un long regard sur la statue de Marie, puis sur le Crucifix, en disant : « Oh ! je l'aime ! Mon Dieu, je… vous aime ! » Ce furent ses dernières paroles. Quelques instants après, vers 7 heures, elle se relevait, ouvrait les yeux, les fixait, brillants d'une paix céleste et d'un bonheur indicible un peu au-dessus de l'image de Marie. Son âme virginale entrait doucement dans l'éternité.

Source : La porte latine

Ecrits de sainte Thérèse :

Une rose effeuillée - PN 51

J. M. J. T

19 Mai 1897

1. Jésus, quand je te vois soutenu par ta Mère
Quitter ses bras , essayer en tremblant sur notre triste terre
Tes premiers pas.
Devant toi je voudrais effeuiller une rose, en sa fraîcheur pour que ton petit pied bien doucement repose
Sur une fleur !....

2. Cette rose effeuillée, c'est la fidèle image Divin Enfant
Du coeur qui veut pour toi s'immoler sans partage. A chaque instant, Seigneur, sur tes autels plus d'une fraîche rose Aime à briller. Elle se donne à toi..... mais je rêve autre chose :

«C'est m'effeuiller!...»

3. La rose en son éclat peut embellir ta fête Aimable Enfant,
Mais la rose effeuillée, simplement on la jette au gré du vent.
Une rose effeuillée sans recherche se donne pour n'être plus.
Comme elle avec bonheur à toi je m'abandonne Petit Jésus.

4. L'on marche sans regret sur des feuilles de rose et ces débris sont un simple ornement que sans art on dispose
Je l'ai compris.
Jésus, pour ton amour j'ai prodigué ma vie, mon avenir
aux regards des mortels rose à jamais flétrie

Je dois mourir !...

5.Pour toi, je dois mourir, Enfant, Beauté Suprême Quel heureux sort !
Je veux en m'effeuillant te prouver que je t'aime O mon Trésor !...
Sous tes pas enfantins, je veux avec mystère Vivre ici-bas
Et je voudrais encor adoucir au Calvaire Tes derniers pas !....

Datation: 19 mai 1897
Destinataire: Mère Henriette du Carmel de Paris, avenue de Messine, à sa demande. Après le poème n° 34 "Jeter des fleurs", Thérèse élabore en profondeur. On sait que Mère Henriette, via Marie de la Trinité, redemanda un dernier couplet sur la récompense au ciel de cette rose effeuillée. Thérèse répondit :"Que la bonne Mère fasse elle-même ce couplet..."

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